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Petite enfance, enfance et jeunesse

Autisme : 10 ans d’inclusion scolaire à Stéphane-Hessel

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Depuis 10 ans, l’école Stéphane-Hessel accueille en son sein une unité d’enseignement maternelle dédiée aux enfants autistes, de 3 à 6 ans. Un dispositif pionnier en Loire-Atlantique, pensé comme un tremplin vers l’école dite « ordinaire », dont les premiers bénéficiaires sont aujourd’hui collégiens.

Un matin comme tant d’autres à l’école maternelle Stéphane-Hessel. La récréation s’achève, la cloche retentit. Un petit groupe d’élèves regagne sa classe à l’écart de l’agitation. Ici, les espaces sont soigneusement délimités, les pictogrammes facilitent l’expression lorsque les mots ou la parole manquent, les repères visuels structurent le temps et les apprentissages, les emplois du temps sont individualisés.

Tout est pensé pour qu’Iyed, Pol-Aimé, Oumayna, Haroun et leurs camarades apprennent à leur rythme, celui d’enfants atteints de troubles, plus ou moins sévères, du spectre de l’autisme et autres troubles envahissants du développement (TED).

Une passerelle vers le « milieu ordinaire »

Ces troubles affectent généralement leur capacité à interagir avec les autres, à communiquer, à se repérer dans le temps, à traiter une information… Autant de particularités qui rendent difficile, dans un premier temps, une scolarité classique à temps plein sans adaptations importantes.

« Avant 6 ans, la plasticité cérébrale permet de travailler sur tous ces axes, de trouver des stratégies pour les aider à gagner des compétences à visée scolaire, avec pour objectif une intégration progressive dans un environnement scolaire classique », explique Nadège Gluher, cheffe de service au sein de l’Adapeila, association gestionnaire de cette Unité d’enseignement maternelle autisme (UEMA). A Stéphane-Hessel comme ailleurs, ce dispositif est placé sous la responsabilité d’un établissement médico-social implanté au cœur d’une école.

 

Un accompagnement sur-mesure

L’UEMA accueille 7 élèves de 3 à 6 ans, tous orientés après une évaluation de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Au quotidien, ils bénéficient d’un accompagnement pluridisciplinaire qui associe une enseignante, une accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH), une aide médico-psychologique, deux éducateurs spécialisés, ainsi que des professionnels paramédicaux mobilisés selon les besoins (orthophoniste, psychologue, psychomotricienne). « Trois personnes minimum les accompagnent chaque jour », explique Nadège Gluher. 

Les apprentissages font l’objet d’un projet personnalisé, régulièrement réévalué par l’équipe éducative et médico-sociale. « Le travail se fait en étroite collaboration avec les parents, insiste la cheffe de service. Ce sont des relais essentiels. D’autant qu’il nous arrive d’intervenir au domicile des élèves pour assurer une continuité dans certains apprentissages. »

l'enseignante de lUEMA se trouve face à un élève. Ils travaillent ensemble autour d'une table.
Comme Iyed, chaque élève de l'UEMA bénéficie d'un projet individualisé pour lui permettre d'apprendre les notions qui lui pourront peut-être lui permettre d'intégrer une classe en milieu ordinaire.

L’inclusion pas à pas

L’objectif est clairement affiché : permettre, lorsque c’est possible, une intégration progressive en milieu ordinaire notamment grâce à des temps d’inclusion dans les autres classes de l’école. Oumayna est arrivée à l’UEMA, il y a un an, sans langage oral. Difficile à croire quand on l’entend aujourd’hui formuler son avis – tranché – sur les activités proposées par Clotilde, l’aide médico-psychologique de l’unité.

Depuis quelques mois, elle participe même à des phases d’intégration en moyenne section dans la classe d’Annaëlle. L’enseignante accueille depuis 8 ans des élèves de l’UEMA pour des temps d’inclusion : « Ces moments bénéficient à tous les élèves. Les enfants apprennent très tôt la notion de différence et de tolérance. Et nous, enseignants, enrichissons nos pratiques grâce au travail avec les professionnels du médico-social ! »

Et après ?

L’inclusion n’est pas possible pour tous les élèves. « L’autisme peut parfois être associé à d’autres troubles qui, finalement, ne permettent pas l’inclusion en milieu ordinaire », rappelle Nadège Gluher. Dans ce cas, ils sont orientés vers des structures adaptées (IME, unité externalisée primaire, etc.).

Depuis l’ouverture de l’UEMA, une trentaine d’élèves ont été accueillis. La très grande majorité  d’entre eux ont pu poursuivre leur scolarité en milieu ordinaire avec un appui médico-social (AESH, temps d’apprentissage spécifique, etc.). Parmi les premiers bénéficiaires de ce dispositif, certains sont désormais des collégiens accomplis (lire ci-dessous).

 

Jaheden : de l’UEMA au collège Anne-de-Bretagne

 

Du haut de ses 12 ans, Jaheden garde peu de souvenirs de ses premières années à l’UEMA de l’école Stéphane-Hessel. Diana, sa maman, se souvient, quant à elle, de chaque étape avec précision. « Jaheden est notre premier enfant, nous étions un peu désemparés lorsqu’il a été diagnostiqué à 2,5 ans, raconte-t-elle.  Nous avons eu la chance d’être dirigés vers ce dispositif qui ouvrait en même temps que l’école Stéphane-Hessel. »

Les progrès de Jaheden sont rapides et spectaculaires. Dès la petite section, l’intégration en milieu ordinaire devient possible dès la grande section avec quelques adaptations : un accompagnant 9 h par semaine en classe, un bureau qui permet de rester debout, la possibilité de sortir en cas de trop-plein émotionnel ou pour des ateliers spécifiques, souvent créatifs pour le jeune garçon qui se révèle aussi particulièrement doué pour les maths…

« Je ne me suis jamais senti différent »

Entouré d’élèves déjà sensibilisés à l’autisme, il a grandi dans un environnement où la différence allait presque de soi. « Quand on me pose des questions, je dis que c’est un handicap mais je le vis comme quelque chose d’extraordinaire. »

L’entrée au collège a été préparée grâce à des ateliers mis en place par l’Adapeila pour apprendre à s’organiser et à appréhender ce nouveau cadre. « J’ai prévenu mes professeurs dès la rentrée, souligne-t-il. Dans ma classe, nous sommes 3 autistes, chacun adapte sa façon de travailler. »

Aujourd’hui, le jeune  garçon dont les résultats scolaires font la fierté de ses parents, se rêve en super star du foot. Une ambition à la hauteur d’un parcours qui n’a décidément rien d’ordinaire !