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Culture

Pascal Rabaté : « J’illustre les angoisses contemporaines »

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Nantais d’adoption, l’illustrateur et réalisateur Pascal Rabaté sera à présent à deux reprises lors du festival Herbulles, le nouveau festival de bande dessinée organisée par la Ville et l’association Taille Crayon. L’occasion de rencontrer ce grand nom de la bande-dessinée.

Comment votre attirance pour le dessin est-elle née ?

Enfant, j’étais hyperactif. Je voyais une mouche passer, je partais avec… J’avais beaucoup de mal à me concentrer sur une tâche. L’école a d’ailleurs été une longue suite d’échecs. À cette époque, le dessin était la seule activité dans laquelle je pouvais m’épanouir de longues heures. Et de surcroît, c’était le seul truc dans lequel j’étais plutôt doué.

Comment en êtes-vous venu à la bande-dessinée ?

C’est vrai que la passion du dessin peut mener à plein de choses, de la simple illustration à la peinture, la gravure… Étudiant, lorsque j’étais aux Beaux-Arts (parce que j’avais réussi, assez miraculeusement, à y entrer !), j’ai découvert un certain nombre d’autres pratiques, la sculpture, l’audiovisuel… Tout cela a été très formateur. Durant ces années, j’ai accepté qu’on dynamite mes idées préconçues. Et puis finalement, la bande dessinée m’est apparue comme une évidence, c’était un médium que j’appréciais pour sa capacité à raconter des histoires. En m’intéressant à d’autres cultures, comme le manga au Japon, j’ai aussi découvert qu’on pouvait « narrer » différemment en dilatant le temps du récit. Ça m’a renforcé dans ma conviction qu’on pouvait dire des choses avec la bande-dessinée.

D’autant que vous avez commencé à dessiner à une époque où la BD s’affranchissait des formats classiques...

Exactement. C’était l’époque du lancement des éditions de l’Association, de la sortie du « Mauss » d’Art Spiegelman,… Les récits se complexifiaient et s’éloignaient des formats classiques de 46 pages. Ces mutations m’ont encouragé à me lancer dans mon projet d’Ibicus, dont certains essayaient de me décourager pour son côté trop « expérimental », trop ambitieux.      

Pascal Rabaté, en 5 dates

1998 : publication du premier tome de « Ibicus ». Trois autres suivront jusqu’en 2001.
2006 : parution de sa bande-dessinée « Les petits ruisseaux », adapté au cinéma par ses soins en 2010. 
2011 : réalisation de « Ni vendre ni à louer »
2015 : publication de « Vive la marée »
2021 : publication de « Sous les galets la plage »

Dans votre travail, on retrouve des personnages qui semblent refuser aussi bien les diktats de la société que certaines réalités inéluctables, comme la mort...

Oui, j’aime cette idée du pas de côté. Dans mon travail, je me veux peintre de la réalité, une réalité tordue et distordue. Une réalité combattue aussi. Ce qui m’intéresse, c’est d’illustrer et de raconter les angoisses contemporaines. Mais je veux aussi que le lecteur se fasse ses propres questionnements. D’ailleurs, ce qui est pour moi le signe d’un travail réussi, c’est l’ambiguïté d’un récit. Une bonne histoire doit être ambigüe mais ne doit pas être racontée de façon ambigüe. C’est la nuance. Et c’est toute la difficulté du travail de scénarisation.

Quels sont vos prochains projets ?

En BD, j’ai trois projets. Le premier, sur la République de Weimar. L’histoire d’un type qui, un soir de beuverie, sauve la vie d’un militant nazi sur le point de se faire écraser. Le récit tournera autour de la possibilité de changer l’histoire. Et d’une question, qui résonne encore à nos oreilles : comment une société aussi libérale que l’était l’Allemagne de l’entre-deux guerre a pu accoucher d’un tel monstre ?

Le deuxième sera une fable écologique sur la Loire, une espèce de récit picaresque. Et le troisième, l’histoire d’un homme qui sort des camps (on ne sait pas lesquels) et réapprend à vivre par-delà la violence de la captivité, grâce à ses sens…

Ce sont des histoires très différentes, mais j’aime être là où l’on ne m’attend pas.

Saluez-vous la création d’un nouveau festival de bande-dessinée à Saint-Herblain ? 

Bien sûr, c’est toujours une bonne nouvelle de voir que des gens passionnés se donnent du mal pour faire vivre la création. Pour le festival, je viendrai présenter l’un de mes films – « Du goudron et des plumes », le vendredi 20 octobre, au cinéma Lutétia. Et puis le lendemain, je serai à la journée de rencontres et de dédicaces, avec de nombreux auteurs, autrices et scénaristes. Ça va être un chouette moment !

Herbulles, le nouveau festival de bande-dessinée et d'illustration jeunesse

Imaginé par la Ville, en partenariat avec l’association Taille Crayon, le festival proposera des rencontres avec des autrices et auteurs, des ateliers, des projections, des expositions…
Plus d’infos dans notre article dédié.